Le MélonauteMusique classique et Internet, et réciproquement.2017-10-25T10:05:09+02:00Paul & Mick Victorurn:md5:4a183e8f07286c63399a49b2a76b71aeDotclearLe mystère Vivaldiurn:md5:10b750bcc7f2c156b47b275621ea6fbb2009-01-18T17:21:00+00:00Paul & Mick Victor <p>Le fils du barbier me rase, je n'y peux rien. Pourtant, on ne pourra pas me reprocher de n'avoir pas essayé. Cent fois, mille fois, je me suis attelé à la tâche, je me suis installé dans mon fauteuil le plus confortable, concentré, plein de bonne volonté, bien décidé à percer coûte que coûte ce mystère. Las, très vite mes paupières s'alourdissent, mon esprit se met à vagabonder, il faudrait que je change le joint de ce robinet qui fuit, j'ai oublié de rappeler la banque, surtout ne pas oublier d'acheter du café, il faudra que je change le joint de ce café qui fuit, j'ai oublié de rappeler mon robinet, et je tombe dans une douce somnolence, anesthésié par ce violon qui n'a rien à me dire et ces phrases musicales qui ne font pas grand chose pour me surprendre. Vingt minutes de sa musique agissent plus efficacement sur moi qu'un comprimé de Stillnox.</p>
<p>Son apport à l'évolution de la musique est incontestable. Il fixa les formes du concerto de soliste, même s'il n'en fut pas l'inventeur : avant lui, Torelli avait déjà utilisé la coupe en trois mouvements, rapide, lent, rapide. Ses sinfonies préfiguraient les symphonies classiques et annonçaient Carl Philipp Emmanuel ou Jean Chrétien Bach. Ses modulations du majeur au mineur, ses hardiesses harmoniques, l'utilisation des accords de 9ème ou même de 11ème devaient avoir un aspect résolument moderne en 1720. Il est d'ailleurs faux de prétendre qu'il ne fut pas reconnu en son temps. Il souleva l'enthousiasme en Europe, Corrette écrivit un <em>Laudate Dominum</em> sur ses <em>Quatre Saisons</em> et Bach transcrivit plusieurs de ses concertos. Néanmoins, ce ne sont pas ces apports théoriques, largement ignorés du grand public, qui peuvent expliquer aujourd'hui cette frénésie de Vivaldi. Bien d'autres apportèrent des contributions décisives à l'écriture musicale et ne sont pas utilisés en fond sonore sur les répondeurs téléphoniques (celui de la Mairie de Paris avec son <em>Printemps </em>nasillard et couinant est un modèle de bon goût municipal) ou en sonnerie sur les téléphones portables. Non, décidément, il y a un mystère Vivaldi.</p>
<p>Je tombe sur une phrase d'Antoine Goléa écrite il y a plus de 30 ans : <em>Aujourd'hui, des tonnes de disques chantent la gloire de Vivaldi, et il suffit d'afficher un programme Vivaldi pour que se remplisse une salle. C'est une mode qui passera comme les autres et on s'apercevra à quel point un Corelli et un Tartini ont un génie autrement divers et profond que ne le sont le talent et la facilité de Vivaldi</em>. La prophétie ne s'est pas réalisée, puisque la maison d'édition <em>Naïve</em> a initié un projet monumental d'enregistrement des manuscrits inédits du Prêtre roux conservés à la bibliothèque de Turin. Projet prévu sur 15 ans, qui promet de faire couler beaucoup d'encre et de générer de confortables profits. 300.000 coffrets de la première livraison auraient déjà été vendus, ce qui est un chiffre pharaonique pour de la musique classique. Rappelons que l'immense majorité des nouveaux disques n'atteint pas 1.000 exemplaires, et que la plupart sont vendus à moins de 500 ex. Un disque classique qui dépasse les 3.000 exemplaires écoulés constitue un véritable exploit dans le milieu de l'édition. Le record des ventes reste à ce jour à Jordi Savall à la viole de gambe pour la musique de <em>Tous les matins du monde</em>, vendue à environ 1 million d'exemplaires. Lequel Jordi Savall collabore d'ailleurs au programme de <em>Naïve</em>. On ne s'en plaindra pas, c'est un musicien d'exception.</p>
<p>Il faut regarder les photos que <em>Naïve</em> a utilisées pour les couvertures de ses Cds pour mieux comprendre sa démarche marketing. Elles conviendraient parfaitement pour promouvoir des parfums ou des sous-vêtements haut de gamme.<br /><a href="http://www.aptlymedias.com/atena/fr/edition.html">http://www.aptlymedias.com/atena/fr/edition.html</a></p>
<p>Vivaldi s'y décline comme un produit de luxe, il prend sa place à côté de Dior, Chanel, Louis Vuitton, Rolex, Gucci ou Prada. Il ne déparera pas sur la (petite) étagère culturelle de Nicolas Sarkozy. La culture est traditionnellement austère et l'exhumation de paperasses vieilles de presque trois siècles risquait de ne concerner qu'un public de vieilles barbes spécialistes, forcément limité. Il fallait éviter que la pièce de musique devînt une pièce de musée, il était nécessaire de lui donner un look moderne à l'usage des jeunes cadres et des bobos, généralement assez incultes musicalement, mais très sensibles au statut social. C'est pourquoi la communication de <em>Naïve</em> n'est pas principalement axée sur la musique elle-même, mais insiste davantage sur l'aspect luxueux du produit, avec des photos inédites de Venise dans un format 30 x 30. <em>The Vivaldi Edition Operas #01 comprend 27 CD, 1 DVD bonus et 2 livres totalisant 208 pages au prix unitaire de 180 Euros TTC</em>. Démarche opposée à celle de la maison <em>Brilliant</em>, qui propose régulèrement des coffrets de 100 Cds ou plus pour des prix dérisoires (on trouve désormais le coffret Mozart de 170 Cds à moins de 60 euros, et un coffret Vivaldi de 40 Cd à moins de 40 euros). Chez <em>Naïve</em>, on offre relativement peu pour assez cher. <em>Brilliant</em>, c'est l'eau de Cologne, <em>Naïve</em>, c'est <em>5 de Chanel</em>.<br /><a href="http://www.vivaldiedition.com/">http://www.vivaldiedition.com/</a></p>
<p>Il y a tout de même là-dedans, comme disait Don Juan, quelque chose que je ne comprends pas. Qui, à part quelques allumés, pourrait bien avoir envie d'écouter une cinquantaine d'opéras baroques, certainement très bien écrits, mais aussi loin de nos préoccupations actuelles ? Pourquoi Vivaldi devient-il ce symbole de la <em>Grande Musique</em>, et qu'est-ce qui, dans son oeuvre, peut expliquer cet engouement ? Ou plus simplement, qu'est-ce qui, à notre époque, fait qu'on va chercher une émotion esthétique chez des compositeur morts depuis trois siècles alors que personne n'écoute les créateurs contemporains ? Je tombe également sur un <em>Vivaldi Universel</em>, <br /><a href="http://www.lefanal.fr/spectacles_prog.cfm?id_fiche=318&lemois=02">http://www.lefanal.fr/spectacles_prog.cfm?id_fiche=318&lemois=02</a></p>
<p>commande du <em>Rhino Jazz Festival</em> qui utilise astucieusement les <em>Quatre Saisons</em> dans une démarche écologiste : <em>Le Livret "Les Arrières Saisons" composée de voix de 7 à 78 ans qui disent, témoignent ou lisent les Saisons - lectures à partir d'écrits d'Ahmadou Kourouma, de Charles Beaudelaire et surtout d'extraits du Troisième Rapport d'évaluation du Groupe de Travail I du Groupe d'Experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) intégrant les nouveaux résultats des cinq dernières années de recherche sur les changements climatiques</em>.</p>
<p>Décidément, simple phénomène de marketing ou réelle et formidable modernité qui m'a quelque peu échappée, je le confesse, il y a bel et bien un mystère Vivaldi. Je vais une fois de plus m'installer dans mon fauteuil le plus confortable, concentré, plein de bonne volonté, bien décidé à percer coûte que coûte ce mystère. Las, j'ai bien peur que, très vite, mes paupières ne s'alourdissent, que mon esprit ne se mette à battre la campagne, il faudrait que je change le joint de ce robinet qui fuit, j'ai oublié de rappeler la banque, surtout ne pas oublier d'acheter du café, il faudra que je change le joint de ce café qui fuit, j'ai oublié de rappeler mon robinet, surtout, ne pas oublier.. </p>La gloire de son pèreurn:md5:2846cbc096b86a857c39905edefa1a682009-01-14T21:49:00+00:00Paul & Mick Victor <p>Il signait souvent <em>Wolfgang Amadeus Mozart</em>, bien qu'il se prénommât Franz Xaver. Mais après tout, lorsqu'on porte un nom aussi prestigieux, il est tentant de falsifier un peu son prénom pour s'ouvrir quelques portes dans le monde si fermé du show-bizz. Wilhelm Friedemann Bach, lui aussi, avait parfois vendu ses compositions sous le nom de Jean-Sébastien. Pas facile de vivre dans l'ombre d'un géant, et la presse pipeule ne manque jamais de comparer le fils au père, pour conclure que, non, décidément, le rejeton n'arrive pas à la cheville de son paternel. La comparaison avec le galopin prodigue et indigne du Cantor s'arrêtera d'ailleurs là. Franz Xaver n'eut qu'une carrière. Wilhelm Friedemann, tourmenté et visionnaire, eut un destin.</p>
Mozart en mourant laissa trois orphelins : Carl Thomas, Franz Xaver et l'humanité toute entière. Carl Thomas eut la sagesse de s'apercevoir qu'il n'avait aucun talent musical et devint fonctionnaire. Un bon fonctionnaire vaut mieux qu'un mauvais croque-notes. Franz Xaver mena une carrière honorable de virtuose, de compositeur et de professeur, il faut bien vivre. Quant à l'humanité, elle s'en remit assez vite, elle n'en était pas à son premier deuil.
<p>Franz Xaver Mozart naquit le 26 juillet 1791, moins de cinq mois avant la mort de son père. Il reçut une éducation musicale soignée et il eut pour maîtres des professeurs aussi éminents que Dusek, Streicher, Hummel, Salieri, Vogler ou Albrechtsberger. Il fut protégé de Haydn, ami de Schubert et rencontra Beethoven qui nota sur son carnet de conversation : <em>Il est un bon pianiste et on lui fait accueil... Il est monstrueusement vaniteux</em>. La rencontre avec le fils ne semble pas s'être mieux passée que celle avec le père en avril 1787.</p>
<p>Je viens d'écouter - et de découvrir - le <em>2ème concerto pour piano</em> op. 25 de Mozart le Jeune. L'oeuvre date de 1818. Cette même année, le cousin Weber avait commencé à écrire le <em>Freischütz</em>, Beethoven avait déjà composé 29 de ses 32 sonates, 8 de ses 9 symphonies et la totalité de ses concertos pour piano. A côté de ces monuments, l'oeuvre du fils Mozart paraît bien conventionnelle, et pourtant elle témoigne d'un solide savoir-faire et se colore d'une petite touche de romantisme qui annonce Liszt ou Schumann. J'avoue que j'ai été séduit, tout autant par la qualité de la musique que par l'évocation du destin d'un homme condamné à vivre avec cet héritage, à la fois bénédiction et malédiction : le nom de Mozart. Et le mot de Voltaire : <em>Combien de gens ont eu quelque talent pour la poésie, pour la musique, pour la peinture ! Cependant il serait ridicule de les appeler des génies</em>. Franz Xaver ne sera jamais un génie. Il laisse une oeuvre quantitativement dérisoire, pas besoin d'un Köchel pour en dresser le catalogue. Quelques choeurs, quelques lieder, deux concertos pour piano, une symphonie en deux mouvements, un peu de musique de chambre, des danses, des variations, dont une série sur le menuet de <em>Don Giovanni</em> de son père. Et pas plus que son frère, il n'aura d'enfant. Le sang des Mozart s'éteint en 1858 avec la mort de Carl Thomas, lui aussi sans héritier. </p>
<p>Les psychanalystes s'en sont donnés à coeur joie pour nous expliquer qu'il fallait interpréter le coup d'épée qui perçait le coeur du Commandeur comme l'acte terrible d'un fils tuant son père, et comment ce père est revenu punir son fils de ce meurtre symbolique. On n'en connaît pas assez sur la vie de Franz Xaver Mozart, - et à vrai dire, l'on s'y intéresse beaucoup moins -, pour supputer si, lui aussi, a voulu tuer symboliquement l'image écrasante de son daron. Mais consciemment ou non, il est probable que l'ombre de Wolfgang pesait sur Franz :</p>
<p><a href="http://www.paul-et-mick.com/FX.mp3" hreflang="fr">Andante espressivo du 2ème concerto</a></p>
<p>Le mouvement a tout de même un petit air de famille. Il suffit de ralentir un peu l'entrée du piano dans le concerto n° 20 K. 466 en ré mineur pour s'en convaincre :</p>
<p><a href="http://www.paul-et-mick.com/M1.mp3" hreflang="fr">Le père</a></p>
<p><a href="http://www.paul-et-mick.com/M2.mp3" hreflang="fr">et le fils...</a></p>
<p>Troublant, non ? </p>Félix et Fannyurn:md5:d779e5dec437b6fba6f1bb926766327c2009-01-10T04:14:00+00:00Paul & Mick Victor <p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"> </p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">1991 et 2006 furent des années Mozart. 2007 commémora le tricentenaire de la mort de Bextehude. 2008 célébra le centenaire de la naissance de Messiaen. 2009 sera, c'est officiel, consacré à la mémoire de Mendelssohn qui est né le 3 février 1809. Occasion peut-être de découvrir que l'heureux Félix n'a pas écrit seulement une Marche Nuptiale un peu nunuche et un concerto pour violon, mais également des centaines d'oeuvres qui ne sont quasiment jamais jouées, des hymnes, des lieder, des cantates, des opéras, des psaumes, des motets,<span style="mso-spacerun: yes"> </span>des oratorios, des choeurs, des musiques de scène, des ouvertures et un raton laveur. Première manifestation solennelle de cette année commémorative : l'oratorio <em>Elias</em>, donné les 10 et 11 janvier au Théâtre des Champs-Élysées sous la direction de Kurt Masur, retransmis le 26 janvier sur France Musique, et redonné dans la foulée les 25 et 26 mars à Notre-Dame de Paris avec John Nelson à la baguette. N'allez jamais écouter <em>Elias</em> à Notre-Dame, à moins de réserver une place dans la nef, bien en face de l'orchestre, et si possible dans les premiers rangs. Sinon, derrière votre pilier, vous aurez peut-être une chance d'apercevoir le bout de la baguette du chef dans les fortissimo et le déplaisir d'entendre une bouillie sonore peu harmonieuse. </p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"><?xml:namespace prefix =" ""o" /><o:p> </o:p></p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Le musicien a été durement jugé par la postérité, et c'est sans doute mérité. Il faut fouiller longtemps dans un fatras d'oeuvres assez moyennes pour dénicher quelques joyaux. Combien ses symphonies paraissent pâles devant celles de Beethoven, ses lieder convenus devant ceux de Schubert, ses pièces pour piano plutôt falotes devant celles de Schumann ! Enfant prodige, adolescent surdoué, aussi habile à dessiner ou à rimer qu'à nager et à tirer l'épée, parlant au moins couramment six langues dont le grec et le latin, possédant une immense culture encore enrichie par la fréquentation de Hegel et de Goethe, enfant gâté, gosse de riche n'ayant jamais connu la mouise qui garantit l'authenticité de l'artiste romantique, bambin trop bien élevé ou trop inhibé pour manifester les rages, les passions et les fureurs d'un Berlioz ou d'un Wagner, Mendelssohn laisse l’image d’un compositeur élégant, un peu académique, un tantinet dilettante, d’un tempérament qu’on devine peu forgé derrière un visage aux courbes molles, un homme du monde à l'exquise politesse. Son plus grand titre de gloire restera peut-être d'avoir remis au goût du jour Bach et Haendel dont les auréoles commençaient à pâlir derrière leur vieille perruque.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Tout a été dit sur Mendelssohn, et bien peu sur sa soeur. Fanny avait quatre ans de plus que son frère et, musicienne émérite, elle possédait sans aucun doute, elle aussi, des dons exceptionnels. Mais dans la haute bourgeoisie de l'époque, il eût été de la dernière inconvenance pour une fille d'embrasser une carrière artistique. Abraham Mendelssohn, le père, fit autant pour favoriser la réussite de son fils que pour étouffer celle de sa fille. Ses lettres sont édifiantes : <em>Je suis content de toi sur tous les points essentiels. Tu es bonne, et si petit que soit le mot, il signifie beaucoup. Mais il est nécessaire de te perfectionner encore, surtout de mieux comprendre ta vocation de femme et de ménagère, la seule à laquelle tu sois appelée... Soumets-toi à ce sacrifice dès aujourd'hui et le plus joyeusement du monde.</em></p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Fanny était obéissante. Elle resta humblement dans l'ombre de ce frère qu'elle admirait et chérissait tant, et se contenta de pratiquer la musique comme un art d'agrément, organisant de petits concerts privés et composant des pièces qui sortirent rarement de l'intimité familiale et du cercle d'amis. Elle laisse au moins 250 lieder, quelques compositions pour orchestre et plus de 125 pièces pour piano. Elle n'avait que 42 ans lorsqu'elle mourut soudainement d'une crise cardiaque le 14 mai 1847. On peut penser que son frère en fut suffisamment affecté pour la suivre dans la tombe six mois plus tard, il n'avait pas 39 ans.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Ces deux-là s'aimaient d'un amour fraternel tendre et indéfectible. On évoque Wolfgang et Nannerl, elle aussi excellente musicienne qui n'eut pas la chance de naître garçon. Bien malin qui, sans les connaître, pourrait affirmer que telle oeuvre est de Félix et telle autre de Fanny. D'ailleurs, plusieurs <em>Romances sans paroles</em> publiées par Félix sont en réalité de la plume de sa soeur. Réunissons-les donc à la fin de ce message avec ces deux oeuvres pour piano inspirées par l'Italie. Laquelle est de Félix ? Laquelle est de Fanny ?</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"><a href="http://www.paul-et-mick.com/italie1.mp3" hreflang="fr">Félix ou Fanny ?</a></p>
</o:p><a href="http://www.paul-et-mick.com/italie2.mp3" hreflang="fr">
<p>Fanny ou Félix</p>
</a></span>Mention obligatoireurn:md5:9e1d33be070b7f43327bb6f7c981dcc02009-01-07T17:12:00+00:00Paul & Mick Victor <p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"> </p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Quel est le point commun entre France Télécom, l’eau minérale Aquarel de Nestlé et la Mercedes de Benz ? Jean-Sébastien Bach, bien sûr ! Et plus précisément le prélude de la 1<sup>ère</sup> suite pour violoncelle BWV 1007. Ces trois marques ont en effet utilisé la musique du cantor pour illustrer un de leurs spots publicitaires.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">La suppression de la publicité sur les chaînes télévisées du service public risque de porter un sérieux coup à la culture musicale des Français. C’était à peu près la seule occasion d’entendre quelques secondes de musique classique sur les stations généralistes. À l’avenir, il faut donc s’attendre à ce que les téléspectateurs restés fidèles aux chaînes commerciales soient <span style="mso-spacerun: yes"> </span>beaucoup plus pointus en ce domaine que les adeptes des chaînes publiques, qui n’auront plus pour se remplir les tiroirs du cerveau que les Experts Manhattan ou Plus belle la vie. Bienheureux ceux qui commenceront leur journée avec une tasse de café <em>l’Or absolu</em> présenté par le <em>King Arthur</em> de Purcell, accompagné par les biscuits <em>Infiniment chocolat</em> de Delattre magnifiés par la valse de la <em>Sérénade pour cordes </em>de Dvorak. On pourra découvrir ou redécouvrir sur ce site les étonnantes et parfois déroutantes idées des créatifs au fil des années :</p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"><o:p><a href="http://classictoday.free.fr/pub.php" hreflang="fr">http://classictoday.free.fr/pub.php</a></o:p></p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Ainsi, associer <em>l’Apprenti Sorcier</em> de Dukas au papier toilette <em>Lotus</em> pourrait conforter ceux qui <span style="mso-spacerun: yes"> </span>pensent qu’une telle musique est tout juste bonne à se torcher, et le mariage du <em>Philipshave Cool Skin</em> avec le <em>Requiem</em> de Mozart leur confirmera peut-être qu’ils ont raison de trouver cette œuvre très rasoir. Mais il y aura toujours un peu de Carmen dans la ménagère qui achètera son <em>Ajax multi usages</em> au supermarché, et la petite complicité de rigueur entre gens du même monde avec Violeta qui se fournira en serviettes périodiques <em>Vania</em> au rayon voisin.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Le phénomène n’est pas nouveau. Tout bambin, <em>Kléber-Colombes</em> m’a fait connaître les <em>Danses polovtsiennes</em> du <em>Prince Igor</em> de Borodine crachotées dans le poste de TSF familial. De longue date, la publicité a été mariée à la musique qui, décidément, doit faire vendre (on estime que la <em>muzak</em> diffusée dans les supermarchés permet d'augmenter les ventes de 38 %). Et la publicité elle-même a enrichi la musique, puisqu’à travers les quodlibets, fricassées et farces diverses, nous sont parvenus les cris des marchands des rues du Moyen Age et de la Renaissance. On réécoutera avec bonheur <em>Voulez ouyr les cris de Paris</em> de Clément Janequin, pot-pourri de tous les jingles de l’époque, appels des marchands de chandelles et de navets, de choux et d’allumettes. Au XIXe siècle, la firme pharmaceutique <em>Beecham</em>, outre des œuvres de commandes destinées à promouvoir ses produits, imprimait sur ses prospectus des partitions d’airs à la mode, romances, extraits d’opérettes, et même du Haendel et du Mendelssöhn. Paderewski, Grieg ou Rachmaninov contribuèrent à la publicité du <em>Pianola</em>, l’instrument mécanique conçu par <em>l’Aeolian Company</em> de Tremaine père et fils. Pavarotti chanta le <em>Mefistofele</em> de Arrigo Boito pour faire vendre la <em>Mégane</em> de Renault.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Musique de classe, musique classieuse, la musique classique confère aujourd’hui de la respectabilité, de la noblesse et du lustre au produit le plus prosaïque. Rien n’est plus con qu’un fer à repasser, mais celui de <em>Bosch</em>, transfiguré par le <em>Ainsi parlait Zarathoustra</em> de Richard Strauss, devient un objet de culte, un accessoire quasiment mystique, le grandiose symbole de la lutte d’Ahura Mazdà, le Bien, lisse et sans pli contre Ahriman, le Mal, froissé et fripé. Le matou qui consommera les boîtes <em>Gourmet Gold</em> ennoblies par l’air <em>Vissi d'arte, vissi d'amore</em> de la <em>Tosca</em> de Puccini ne sera plus le greffier de gouttière pelé qui fait tant rigoler les voisins, mais un héros romantique, un génie maudit félin au destin tourmenté. Le cadre supérieur lui-même n’aura plus honte de se présenter au bureau le cul serré dans un jean <em>Levis</em>, puisque cette défroque peu élégante a été aristocratisée par la <em>Sarabande</em> de Haendel et peut désormais prétendre à la noblesse des hauts-de-chausses à canons de dentelles et cascades de rubans couleur singe mourant, ventre de nonnain ou faute de pisser ruisselant sur les bas.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Il y a une morale, heureusement. Il arrive quelquefois que la musique soit plus forte que le message publicitaire et finisse par l’occulter. Ainsi, le grand public a plébiscité la 2<sup>ème</sup> valse de la <em>Suite Jazz</em> de Shostakovich et l’a élevée au rang de tube. Tout le monde connaissait et fredonnait cet air qui fut même repris par André Rieu, mais bien peu pouvaient dire précisément à quel produit il était associé.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"><em>Ceci est un médicament, pas d’utilisation continue sans avis médical, à consommer avec modération, l’énergie est notre avenir, économisons-la...</em> À l’heure où tant de mentions obligatoires doivent figurer dans les spots publicitaires, je suggère qu’on impose également de mentionner le titre de l’œuvre utilisée comme illustration sonore et le nom de son compositeur. Ça ne coûterait pas grand chose et ce serait le moindre des respects pour l'oeuvre et pour le public.</p>Les Victoires de la Musique Classique 2009 - Catégorie Artistes lyriquesurn:md5:3e52eb634da74e78b5e505891d507a622009-01-03T14:22:00+00:00Paul & Mick Victor <p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"> </p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Un jeune chanteur, une jeune chanteuse doivent posséder une solide dose de courage et un blindage moral à toute épreuve pour s’exposer dans l’arène de l’art lyrique, mais c’est le prix à payer pour devenir un jour, qui sait, une Divine, ou un Divin (bien qu’on utilise rarement <em>Diva</em> au masculin). Ici, pas d’œil noir qui menace l’artiste, mais les oneilles impitoyables des aficionados du chant qui analysent chaque note et chaque inflexion de voix. Beaucoup de sectateurs, parmi ces spectateurs. Ils décernent (rarement) quelques éloges dithyrambiques et excessifs, et beaucoup plus souvent de féroces et méchantes critiques. Dans certains endroits, il est du dernier chic de dire : <em>J’ai entendu Dessay la semaine dernière à Bastille, mon cher ! Quelle merde !</em> Il est à parier que personne n’osera contredire le pontifiant qui, comme les eunuques, sait comment il faut faire et qui est souvent d’autant plus péremptoire qu’il est incompétent. Certains ne vont à l’opéra que pour avoir le plaisir enfantin de siffler. On s’amuse comme on peut.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Au Bar du Commerce, devant le petit noir du matin, on refait le match de football de la veille. Au café lounge bar branché, devant le scotch du soir, on refait entre amateurs l’opéra de la semaine précédente. Pauleta n’a pas été excellent dans le jeu aérien, et le pauvre Alagna, décidément, ne saura jamais chanter correctement. Le chanteur lyrique devient un athlète dont on évalue les performances et dont on relève impitoyablement les faiblesses. La musique n’est qu’un prétexte. Sur l’affiche, le nom de l’interprète est parfois double en hauteur de celui du compositeur. Il y a une bonne dose de cirque dans cet opéra. En retenant leur souffle, beaucoup de spectateurs espèrent (secrètement) que le trapéziste va se casser la gueule en exécutant sa triple pirouette. Dans leur fauteuil de velours rouge, beaucoup de spectateurs espèrent (secrètement) que le ténor va foirer son contre-ré. Mais le spectacle continue.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Deuxième volet de ces Victoires de la Musique Classique 2009, la catégorie <em>Révélation artistique lyrique</em>. Ici encore, trois candidats sont proposés à nos suffrages : le ténor <em>Sébastien Guèze</em>, la basse <em>Yuri Kissin</em> et la soprano <em>Karen Vourc’h</em>. On pourra les écouter sur cette page :</p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"><span style="COLOR: windowtext; TEXT-DECORATION: none; text-underline: none"><a href="http://www.radiofrance.fr/francemusique/ev/victoires09.php" hreflang="fr">Victoires de la musique</a></a></p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"> </p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Le répertoire est celui de l’opéra du XIXe siècle, de Gounod à Verdi en passant par Rossini, Bizet et Massenet, la plus jeune de ces vieilles barbes, un gamin mort il y a seulement 97 ans. Agréable surprise, une mélodie de Grieg chantée par Karen Vourc’h vient quasiment apporter une note de variété dans ce musée du chant bourgeois. Je ne dis pas qu’il ne faut plus chanter Gounod ou Verdi, mais je trouve un peu triste que la carrière d’un jeune interprète doive forcément, aujourd’hui encore, passer par cette case. Et qu'on risque, à l’avenir, d’enregistrer et de réenregistrer toujours plus de Verdi, de Rossini ou de Gounod alors que tant d’œuvres du XXe siècle restent à découvrir.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Oyons le ténor Sébastien Guèze. J’avoue un a priori favorable car sa fiche de présentation indique qu’il est Ardéchois, et j’ai également pas mal de sang ardéchois dans les veines. Il nous propose comme première œuvre la Cavatine du <em>Roméo et Juliette </em>de Gounod, <em>Ah, lève-toi, soleil</em>. Son physique agréable et son allure juvénile en font un Roméo crédible.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Les quatre premières notes, <em>Ah lève-toi</em> sont agréables. La cinquième me pose déjà un problème. Je suis pris d’un doute sur ce <em>soleil</em>. Y a-t-il deux notes différentes, ou une seule ? Pour ma part, j’en entends deux. Le recours à la partition m’indique qu’il devrait n’y en a qu’une. Alors pourquoi ce <em>soleil</em> vire-t-il du fa au mi bémol ? Ce n’est pas bien grave, disons que c’est un soleil qui se voile un peu. Et puis, si je commence à examiner chaque note au microscope, je vais vite devenir comme ces maniaques dont je me moquais quelques lignes plus haut. </p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Il n’empêche que Sébastien Guèze montre vite ses limites. Je n’aime pas cette façon d’arracher le si bémol aigu de <em>Parais</em> avec un geste de lutteur de foire pour bien montrer au public ébaubi à quel point c’est difficile, et j’aime encore moins le pianissimo qui suit avec une désagréable voix de gorge qui n'est plus affranchie, vu qu'elle a perdu son timbre. Quant à la dernière note, le <em>Parais !</em> indiqué pianissimo par Gounod et braillé par Sébastien Guèze (mais il n’est pas le seul à le faire), elle me révolte, tout simplement. Évidemment, c’est bien plus difficile, et bien moins spectaculaire, d’émettre une jolie note filée aiguë pianissimo qu’un coup de gueule fortissimo. Servir la musique, se mettre en retrait derrière l’oeuvre et respecter les souhaits du compositeur, ou se servir de la musique pour faire la vedette et arracher les applaudissements du public avec un gros <em>tzim boum boum</em>, tout est là. Mettons tout de même à l’actif du garçon sa diction parfaite qui nous change agréablement des accents italiens ou espagnols à couper au couteau. </p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Sébastien Guèze fait très fort en nous proposant ensuite <em>La donna è mobile</em>, du <em>Rigoletto</em> de Verdi, c'est-à-dire un rôle complètement opposé. Il faut être un chanteur émérite pour passer du ténor lyrique <em>demi-caractère</em> au ténor dramatique <em>lyrico-spinto</em>. Et il faut être un acteur consommé pour oser faire ainsi le grand écart entre le candide, pur et ardent Roméo et le libertin débauché duc de Mantoue, grand coureur de prétentaine et trousseur de jupons. Notre chanteur a beau prendre un air canaille et s’appuyer avec désinvolture sur le bord du piano, on n’y croit pas une seconde. La chanson est interprétée trop vite à mon goût, ça braille autant que ça chante. Les personnages de Verdi exigent une grande épaisseur de personnalité. Sébastien Guèze n’a pas la dimension cynique et désabusée qu’on attend d’un homme qui a fait le tour des plaisirs et n’espère plus grand-chose de la vie. Dans cinq ans peut-être, avec une voix éclatante et incisive, mais un peu épaissie par les plaisirs et la boisson, il deviendra un macho suffisamment convaincu pour faire un duc de Mantoue crédible.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Yuri Kissin respire la sympathie. On a envie de lui payer un pot, et l’on se dit qu’on ne doit pas s’embêter avec lui. Il nous propose le célébrissime <em>Air de la Calomnie</em> du <em>Barbier de Séville</em> de Rossini. C’était ça ou le <em>Largo al factotum</em>, le <em>Figaro-ci, Figaro-là</em> aussi incontournable que la <em>Lettre à Elise</em> dans les auditions de jeunes pianistes ou <em>Jeux interdits</em> dans celles des guitaristes en herbe. Yuri Kissin a l’habitude de la scène, c’est évident. Il y est à l’aise, bon comédien, il occupe l’espace, il joue autant qu’il chante et sa voix de basse ample et profonde surprend agréablement. Il a d’ailleurs descendu d’un ton cet air qu’il chante en do. Pourquoi pas ? Ça passe fort bien. J’aurais aimé davantage de crescendo entre le <em>Piano, piano, terra terra, sottovoce, sibilando</em> et le <em>colpo di canonne</em>, j’aurais aimé davantage de tension pour évoquer la progression de la rumeur, d’abord simple ruisselet, qui enfle, se propage, se fortifie, s’exagère de bouche en bouche, pour devenir le torrent qui emporte tout sur son passage avant d’éclater enfin comme un coup de canon. Yuri Kissin attaque peut-être son air trop fort et ne dispose plus de la marge nécessaire. Mais cela serait sans doute plus facile avec un orchestre.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">On connaît surtout la <em>Jolie fille de Perth</em> de Bizet par la suite pour orchestre que le compositeur en a tirée, et notamment par la <em>Danse bohémienne</em>. L’opéra, composé sur commande sur un livret de Vernoy de Saint-Georges et d’Adenis d’après un roman de Walter Scott n’a pas connu un grand succès. Et pourtant, l’œuvre n’est pas dénuée d’intérêt, et la scène que chante Yuri Kissin est certainement l’une des plus intéressantes. Voici ce qu’en disait Camille Bellaigue : <em>Jamais un musicien, que je sache, avant ou depuis Bizet, n’a traité une scène bachique avec cette âpreté, cette grandeur shakespearienne. Les couplets, déjà sombres pourtant, d’Hamlet, dans le bel ouvrage de M. Ambroise Thomas, ont l’air d’un toast de fête à côté de cette libation sinistre, de cet appel sauvage à l’ivresse meurtrière bénie de tout souvenir et de toute douleur.</em></p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"><em>Plus d’italianisme ici, plus de formule ; au lieu d’un orchestre élégant, un orchestre terrible : des notes cuivrées qui font penser au Weber de la Fonte des Balles. La scène a jailli d’un seul jet, et d’un jet de feu. Pour la première fois Bizet est lui tout seul, et lui tout entier</em> (Camille Bellaigue dans la Revue musicale 10/1889 à 10/1890). </p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Yuri Kissin se sort honorablement de cette beuverie, malgré quelques graves un peu incertains, mais après tout, il est censé être ivre mort, on peut lui pardonner d’avoir un peu de flou dans l’intonation. Que celui qui n’a jamais été bourré lui jette la première tomate (un trait de grenadine, trois centilitres de Ricard et pas trop d'eau pour ne pas noyer le breuvage). La référence pour moi restera tout de même José Van Dam.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">La troisième cantatrice proposée à nos suffrages est la soprano Karen Vourc’h. La robe est tout à fait charmante, c’est déjà bien. La voix est belle, j’aime ce vibrato ample qui suscitera d’interminables querelles entre les adeptes et les allergiques, mais c’est comme ça, j’apprécie beaucoup les voix qui vibrent, même si ce n’est pas vraiment à la mode et dans l’air du temps. </p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">La mélodie de Grieg, <em>Jeg elsker Dig</em> (ce qui signifie tout simplement <em>Je t’aime</em> en danois, c’est toujours bon à savoir lorsqu’on veut lever une minette à Copenhague), extraite des <em>Hjertets Melodier</em> (Les mélodies du cœur) opus 5, sur des textes d’Andersen, est une pièce très courte dont on trouvera le texte français ici : </p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"><o:p><a href="http://www.recmusic.org/lieder/get_text.html?TextId=37792">http://www.recmusic.org/lieder/get_text.html?TextId=37792</a></o:p></p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Il s’agit d’un crescendo poco accelerando qui trouve son apogée sur le dernier <em>Jeg elsker dig</em>. Autant dire qu’on n’a guère le temps de traîner pour emporter l’adhésion du public. C’est une excellente idée d’avoir choisi une pièce qui sort du répertoire du grand opéra, mais on l’aurait souhaitée un peu plus longue pour pouvoir se faire une meilleure idée. </p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">L’air <em>Adieu notre petite table</em> du <em>Manon</em> de Massenet me laisse dubitatif. <em>Je ne suis que faiblesse et que fragilité</em>, c’est effectivement l’impression que j’ai ressentie. L’ensemble me paraît assez terne, j’ai l’impression que Karen Vourc’h est ailleurs, elle a l'air préoccupée. Les notes aiguës sont incertaines, souvent un peu trop basses, la voix bouge. Grosse fatigue ? Problèmes d'argent ? Déception sentimentale ? Quoi qu’il en soit, cela ne me fera pas oublier Nathalie Dessay ou Maria Callas.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Alors, une fois encore, puisqu’il faut choisir, je donne ma voix sans hésitation à Yuri Kissin, avec une très large avance. Et j’avoue être tout de même un peu déçu par le niveau assez moyen de la compétition. Mais évidemment, vous n’êtes pas obligés de partager ce point de vue.</p>
</span>Bienvenue !urn:md5:83ffe4bb0a18e283dd271e4fd865f6822008-12-30T17:03:00+00:00Paul & Mick Victor <p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0"> </p>
<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Le mélomane n’était pas, à l’origine, le paisible amateur de musique que le mot nous évoque aujourd'hui. C’était bel et bien un malade mental, victime de la maladie de la mélomanie, et qui relevait davantage de l’hôpital psychiatrique que de la salle de concert. Certains en sont morts. C'était <em>celui qui est fou de musique</em>, celui <em>qui éprouve un amour excessif pour la musique, </em>comme le définissait Littré. Car la <em>manie</em>, qu'elle soit dirigée vers la musique, vers la propreté ou la bière trappiste, relevait de la médecine, c’était, selon Furetière <em>une maladie, causée par une rêverie avec rage et fureur sans fièvre, qui provient d'une humeur atrabilaire engendrée par adustion de la bile, de la mélancolie ou du sang</em>. Vous voilà prévenus, amis mélomanes, gare aux excès et à l’addiction.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">L’internaute peut, lui aussi, sombrer rapidement dans l’addiction. Le malheureux passe ses journées devant un écran, sautant, <em>surfant</em> frénétiquement de page en page, grappillant ça et là mille informations qu’il n’a pas le loisir de trier, d’ordonner et de digérer. Lorsqu’il est privé d’ordinateur, il devient dépressif, il frappe sa femme et ses enfants, il sombre dans la neurasthénie, ou il tourne en rond dans son salon en tenant des propos insensés et en hurlant des imprécations. C’est également un grand malade.</p>
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<p class="MsoNormal" style="MARGIN: 0cm 0cm 0">Lorsque le mélomane se double d'un internaute, il devient un mélonaute qui utilise sa seconde manie pour alimenter la première et accroître ainsi son mal dans une spirale infernale sans aucun espoir de guérison ni même de rémission. Et non content de souffrir seul de ces pathologies lourdes, il cherche des esprits faibles pour les partager. Ainsi il créée un blog qu’il appelle <em>Le Mélonaute</em>. Et il est heureux de vous y accueillir. Bien sûr, c’est encore en travaux, il faut tapisser les murs, accrocher quelques tableaux, disposer ça et là quelques plantes vertes et réparer un peu la toiture, mais cela se fera au fil du temps. Amis mélonautes, maniaques de musique et d’Internet, vous êtes ici chez vous. Attention à la marche.</p>
<p> </p>Les Victoires de la musique 2009urn:md5:62ed5c759ba1153303d8932e002cb79e2008-12-30T16:10:00+00:00Paul & Mick Victor <p>En 2009, comme chaque année depuis 16 ans, France Musique, relayé par France 3, organisera ses <em>Victoires de la Musique Classique</em>, grand-messe médiatique un peu ampoulée qui met à l’honneur la <em>Grande Musique</em> dans les petites lucarnes. Tenue de soirée de rigueur, majesté du sujet oblige. Beaucoup de blablas, de mondanités, de ronds de jambes et de politesses convenues, mais aussi et surtout une occasion de découvrir de jeunes interprètes de grand talent.</p>
<p>L’exercice est périlleux et le résultat évidemment contestable, puisqu’on demande au public, pas forcément spécialiste, de comparer des prestations qui ne sont en rien comparables. Bien des éléments peuvent influencer les votes. Les qualités techniques ou la musicalité risquent de passer au second plan après le costume ou la couleur de la robe, le sourire, la présence scénique ou le choix des œuvres. C’est sans doute la raison pour laquelle aucune pièce contemporaine ne figure dans les répertoires. À talent égal, on peut craindre qu’un violoniste qui présentera la célébrissime <em>Campanella</em> ait plus de chance de l’emporter que celui qui proposera le <em>Xnoybis</em> pour violon seul de Giacinto Scelsi. Mais après tout, c’est le jeu, et si l’on refuse de le jouer, il suffit de tourner le bouton.</p>
<p>Trois modalités de vote sont proposées : par courrier, en découpant le bulletin inséré dans le CD qui accompagnera le <em>Télérama</em> du 7 janvier (comptez 0,55 euro pour le timbre), par audiotel en appelant le 0 892 68 22 33 (0,34 euro la minute + coût éventuel selon opérateur, selon la formule consacrée), ou par Internet. Les votes seront pris en compte jusqu’au 31 janvier et la finale est prévue le 9 février.</p>
<p>Cette dernière solution étant gratuite, mon avarice légendaire m’a bien évidemment poussé à l’adopter. Deux catégories sont proposées aux suffrages : <em>Révélation soliste instrumental</em> et <em>Révélation artiste lyrique</em>.</p>
<p>Trois valeureux candidats concourent dans la catégorie instrumentale, celle à laquelle je consacrerai mon billet aujourd’hui (je me réserve la catégorie <em>Révélation artiste lyrique</em> pour un billet ultérieur, afin de ne pas allonger démesurément la sauce). <em>Lise Berthaud</em>, une altiste, <em>Romain Leleu</em>, un trompettiste, et <em>Antoine Pierlot</em>, un violoncelliste. J’ai écouté plusieurs fois chaque prestation, voici mes impressions. Elles ne seront évidemment pas les vôtres, c’est tout l’intérêt de la chose. Vous pourrez vous-même juger sur pièce, voir et entendre les trois instrumentistes ainsi que participer au vote sur la page :
<a href="http://www.radiofrance.fr/francemusique/ev/victoires09.php" hreflang="fr">http://www.radiofrance.fr/francemusique/ev/victoires09.php</a></p>
<p>Lise Berthaud ne part pas d’emblée avec les meilleures chances. Elle pâtit de la réputation de son instrument et traîne derrière elle les innombrables (et injustes) blagues sur les altistes qui provoquent des rires gras dans les coulisses des salles de concerts. J’en retiens celle-ci, la confidence d’un jeune altiste qui revient d’un stage d’instrument à son voisin de pupitre : <em>J’ai appris des choses fantastiques ! Tiens, les doubles croches, par exemple ! Attends ! Je vais t’en jouer une !</em>
On en trouvera d’autres ici :
<a href="http://www.louprof.free.fr/RIRE/rire-musique-blagues.htm">Pour rire</a></p>
<p>L’<em>arpeggione</em> était un instrument bâtard qui semblait né d’une partouze obscène entre la viole de gambe, le violon et la guitare, On l'appelait parfois <em>guitare d’amour</em> ou <em>guitare violoncelle</em>. Il fut conçu en 1823 par le luthier Johann Georg Staufer et serait complètement oublié aujourd’hui si Schubert ne lui avait consacré, à la demande du luthier, une sonate en la mineur D. 821. On pourra se faire une idée de la bête ici (la bête étant l'instrument, pas la sonate ! Suivez donc un peu !) :
<a href="http://www.agoravox.fr/IMG/arpeggione_gross.jpg" hreflang="fr">http://www.agoravox.fr/IMG/arpeggione_gross.jpg</a></p>
<p>La surprise est heureuse, et l'on ne peut qu'applaudir au choix de donner cette sonate dans une version alto, alors qu'elle est généralement interprétée au violoncelle. Est-ce grâce à son profil à la Ségolène Royal ? En tout cas, Lise Berthaud se tire avec bravitude de l’épreuve. La mélodie est délicieuse, l’alto chante magnifiquement, la présence est incontestable, la robe élégante et de bon goût, bref, j’avoue que j’ai cédé au charme et que, toujours très fleur bleue, je suis tombé un peu amoureux.</p>
<p>Les 4 pièces pour piano et alto op. 113 de Schumann, <em>Märchenbilder</em> ont été décrites par l’auteur comme des <em>Histoires de contes de fées</em>. On est dans la tradition du romantisme fantastique allemand, de Chamisso (que Schumann a d’ailleurs mis en musique) ou d’Hoffmann. Le 3ème mouvement, <em>Rasch</em>, pourrait évoquer quelque galopade infernale de démons dans une nuit sans lune. Dans cette optique, Lise Berthaud s’en tire à merveille. L’alto gronde, rugit, déchire, c’est âpre, râpeux et sauvage à souhait. Par acquit de conscience, j’ai écouté ensuite la version Erato avec Philippe Caussé à l’alto et Jean Hubeau au piano. Elle est moins rapide et m’a paru infiniment plus sage. J’y préfère nettement la fougue et la jeunesse de Lise Berthaud.</p>
<p>Le trompettiste Romain Leleu rassure par sa stature et son aplomb. Solidement campé sur la scène, il donne l’impression apaisante que rien de fâcheux ne pourrait arriver. Un visage de poupon en celluloïd, de la concentration, du sérieux, un air de bon élève, sinon de premier de la classe. Et un peu d’ennui, aussi. L’idée de choisir ces variations sur le <em>Carnaval de Venise</em> n’est pas des plus opportunes. Bien sûr, l’œuvre met en valeur les qualités techniques de l’interprète, d'ailleurs on a l'impression qu'elle n'a été écrite que pour ça. Cette avalanche de notes et de traits a l’air très difficile à exécuter et le trompineur s’en tire parfaitement, même si je ne suis pas expert du bouzin à embouchure pour en juger tout à fait pertinemment. Las, cela paraît plus un morceau de concours qu’une pièce de concert. Et que c’est long ! J’ai bâillé.</p>
<p>La <em>Danse des Ombres Heureuses</em>, (qu’on évitera évidemment de traduire de l’anglais <em>Dance of the spirits blessed</em> par le faux ami <em>Danse des Esprits Blessés</em>, comme sur cette page : <a href="http://www.tlsain37.org/article-11668702-6.html" hreflang="fr">http://www.tlsain37.org/article-11668702-6.html</a> ) à été introduite par Gluck dans la version parisienne de son Orphée, pour répondre aux goûts du public de l’époque. On ne s’en plaindra pas, la page est admirable. Elle était écrite à l’origine pour la flûte, Romain Leleu nous en offre une transcription pour trompette tout à fait crédible. J’ai cessé de bâiller et mes oneilles ont été agréablement caressées par la chaleur intime et délicate des demi-teintes du bouzin à pistons. Mais je ne suis pas tombé amoureux. Peut-être une simple question d’orientation sexuelle.</p>
<p>Brahms composa la <em>2ème sonate pour violoncelle et piano</em> en fa majeur op. 99 pendant l’été 1886, alors qu’il séjournait près du lac de Thun. C’est peut-être le paysage qui lui inspira cette pièce magnifique. Période heureuse et féconde, qui vit naître les <em>Lieder opus 105, 106 et 107</em>. Antoine Pierlot ressemble un peu aux portraits que nous connaissons de Brahms dans sa jeunesse. Souhaitons-lui de ne pas ressembler, dans trente ou quarante ans, au Brahms de la vieillesse. Le garçon est manifestement bourré de qualités techniques, mais il interprète cette sonate d’une manière un peu trop furieuse et trop tourmentée à mon goût. Un peu trop brouillonne, pour tout dire. En vérité, cela me paraît inutilement échevelé, d’un romantisme stéréotypé trop appuyé. J’aurais aimé davantage de retenue, j’aurais aimé que les notes aient le temps de se poser, que les thèmes aient le temps de mûrir et de se déployer. Disons que, pour cette œuvre profonde écrite par un homme mûr de 53 ans, j’aurais apprécié davantage de maturité. J’ai écouté ensuite cette même sonate par Rostropovitch et Serkin dans la version DG. Même en faisant abstraction du mauvais équilibre entre le violoncelle et le piano, trop omniprésent, la version d’Antoine Pierlot ne tient pas la comparaison.</p>
<p>Le Cygne du <em>Carnaval des Animaux</em> de Saint-Saëns est un passage obligé. C’est une fort belle page, certes, mais un peu trop rabâchée. Etait-il nécessaire de nous la resservir ? Là encore, Antoine Pierlot en fait trop à mon goût. Ce cygne est bien affecté, il manque de simplicité. Il perd beaucoup de sa grâce par des accents trop appuyés et inutiles. C’est un cygne de théâtre, un cygne qui se la pète et qui veut montrer comme il est beau. Mais les cygnes ne sont pas des paons, ils ne font pas la roue.</p>
<p>Alors, en conclusion, et puisqu’il faut choisir, je balance entre le trompettiste Romain Leleu et l’altiste Lise Berthaud. Et j’accorde une petite préférence à cette dernière, peut-être pour une simple question d'orientation sexuelle, et aussi pour punir Romain Leleu de son brillant, mais indigeste <em>Carnaval de Venise</em>. Mais bien sûr, vous n’êtes pas obligés de me suivre.</p>